CHIRURGIE DES PAUPIERES

 

« J’admirai que Marguerite fut si blanche et, lui voyant les paupières bleues, je pensai que c était un signe  d’aristocratie »

La vie en fleur, Anatole France

A plus d’un titre les paupières jouent un rôle primordial dans la sphère ophtalmologique

-          Elles protègent le globe oculaire et leur paralysie peut très rapidement aboutir à de graves problèmes de cornée

-          Elles participent à la fonction visuelle en ce sens qu’un défaut plus ou moins complet d’ouverture de la fente palpébrale peut amputer le champ visuel.

-          Leur forme, leur niveau, leur dynamique joue un rôle très important dans l’expressivité du regard et du visage, d’où la place toute particulière des blépharoplasties dans la chirurgie esthétique de la face.

-          Ainsi toute l’expérience du chirurgien se concentrera lors d’une chirurgie palpébrale esthétique ou reconstructrice sur la restauration la plus harmonieuse et symétrique du niveau et de la courbure des paupières.

-          Cette chirurgie des paupières s’appelle en fait chirurgie oculoplastique et regroupe la chirurgie des paupières, la chirurgie des voies lacrymales, des cavités, et de l’orbite. Elle porte sur une pathologie très vaste au confluent de plusieurs spécialités ( Chirurgie Maxillofaciale, ORL, Neurochirurgie, etc…). En ophtalmologie il existe une sous spécialité, l’oculoplastie qui lui est entièrement dédiée et qui est constituée de chirurgiens ophtalmologiste dont la formation a été concentrée sur ce thème

 

 

 

Quelques notions d’anatomie

La peau

•         Très fine, toujours en mouvement, et richement vascularisée, la peau des paupières cicatrise très bien. Son excès en paupière supérieure s’appelle dermatochalazis, que l’on peut réduire lors de la chirurgie esthétique des paupières supérieures. Une insuffisance de peau en paupière inférieure ( brûlure, pathologie dermatologique, cicatrice rétractile) peut aboutir à l’ectropion qui est la bascule du bord libre de la paupière en avant. En paupière supérieure surtout la peau s’invagine pour former le sillon palpébral dans lequel le chirurgien oculoplasticien vient cacher quasiment  toutes les cicatrices.

 

Les muscles

•         L’occlusion des paupières est assurée par le muscle orbiculaire, muscle circulaire très puissant. Sa contraction anarchique peut aboutir au blépharospasme essentiel que l’on peut traiter par la toxine botulique. En paupière inférieure le spasme du muscle orbiculaire aboutit à l’entropion spasmodique, bascule du bord libre de la paupière vers le globe oculaire.

•         L’ouverture de la paupière supérieure est assurée par un muscle principal, le muscle releveur de la paupière supérieure et un muscle accessoire, le muscle de Müller. Une déficience de l’un ou des deux muscles entraîne un ptôsis ( paupière supérieure plus basse).

 

Les nerfs

•         Le muscle releveur principal est innervé par la troisième paire crânienne.

•         Le muscle orbiculaire est innervé par la septième paire crânienne. C’est elle qui est atteinte lors de la paralysie faciale, ce qui explique la mauvaise occlusion palpébrale elle même à l’origine des complications cornéennes.

 

Le « squelette »

·         Il est constitué par le tarse : Il s’agit d’une d’une bandelette « fibro-élastique » située à la face postérieure des paupières , qui assure la forme et l’absence de flaccidité des paupières. Latéralement  il s’ancre sur les parois osseuses par les ligaments canthal interne et externe. Il, est tapissé à sa face postérieure par la conjonctive, revêtement muqueux qui vient frotter contre le globe oculaire. Sa reconstruction est indispensable après une perte de substance post traumatique ou tumorale. Sa rétraction entraîne une bascule des cils vers le globe oculaire, c’est le trichiasis dont un célèbre exemple est le trachome.

 

Les glandes

·         Il existe de nombreuses glandes palpébrales. L’obstruction de la glande de Meibonius peut aboutir au chalazion. Une glande très importante est la glande lacrymale dont l’insuffisance de sécrétion constitue le syndrome sec.

 

La graisse

·         En paupière supérieure elle est rare : Il existe une petite loge interne, et un « tapis graisseux » devant le muscle releveur principal, c’est l’organe en rouleau.

·         En paupière inférieure elle est plus abondante sous forme de trois loges, interne, moyenne, et externe. Leur saillie s’appelle « les poches ». C’est principalement sur elles que porte la blépharoplastie esthétique de paupière inférieure.

 

Quelques notions de pathologie et thérapeutique

Le chalazion

·         Il s’agit d’une pathologie fréquente qui se présente sous la forme d’une masse inflammatoire rouge et douloureuse dont la cause est l’obstruction de la glande de Meibonius. Le massage avec une pommade corticoïde en permet souvent la guérison. Dans le cas contraire une petite incision postérieure sous anesthésie locale permet de les fistuliser.

L’entropion spasmodique

·         C’est la bascule du bord libre de la paupière le plus souvent inférieure vers le globe oculaire. Pathologie du sujet âgé, elle est souvent due à une laxité des tissus qui favorise la bascule du muscle orbiculaire. Le traitement est simple et consiste schématiquement à remettre en tension la paupière et à empêcher cette bascule.

·         Certains spasmes algiques prolongés ( après inflammation ou chirurgie oculaire)  ou pathologies de la conjonctive palpébrale ( brûlures, trachome, maladie bulleuses, etc… peuvent également aboutir à des entropions.

Le trichiasis

·         C’est le frottement des cils contre le globe oculaire qui peut être isolé ou associé à une malposition palpébrale (comme l’entropion).

·         Quelques cils trichiasiques peuvent être détruits par  le laser, la cryothérapie (froid) ou l’electrolyse ciliaire avec un risque de récidive parfois non négligeable.

·         Un nombre de cils plus important et/ou une association avec une malposition palpébrale nécessiteront une intervention chirurgicale adaptée à chaque cas.

L’ectropion

·         C’est la bascule du bord libre de la paupière en avant (avec perte de contact avec le globe oculaire).

·         Il peut s’agir d’une pathologie involutive où la laxité de la sangle palpébrale entraîne son éversion. Sa remise en tension associée à une reposition du complexe rétracteur règle en général le problème.

·         Les maladies cutanées rétractiles peuvent également « tirer » sur la paupière et aboutir à un ectropion. Il s’agit des cicatrices perpendiculaires au bord libre des paupières, des brûlures, des dermatoses. Il faut alors mettre en place une greffe cutanée qui sera la plupart du temps prélevée au niveau de l’excès cutané des paupière supérieures ou derrière l’oreille.

Le ptosis

·         C’est l’abaissement du niveau du bord libre de la paupière supérieure.

·         Les causes sont nombreuses

o   Le ptôsis congénital est présent dés la naissance avec souvent une notion d’hérédité. Il peut être uni ou bilatéral et est parfois associé à d’autres malformations palpébrales et/ ou des troubles oculomoteurs. Il sera opéré en général après l’âge de 6 ans sauf si la paupière est si basse qu’elle recouvre l’axe visuel. L’ophtalmologiste redoute en effet l’amblyopie, baisse d’acuité visuelle irréversible d’un œil visuellement non sollicité pendant l’enfance.

o   Le ptôsis acquis aponévrotique est le plus fréquent. Il survient souvent chez la personne âgée mais peut aussi survenir après une chirurgie oculaire, un traumatisme, une chirurgie palpébrale, un gonflement palpébral prolongé, un port de lentilles, etc… Il s’agit d’une maladie de l’aponévrose du muscle releveur principal de la paupière supérieure qui relie donc ce muscle au bord supérieur du tarse. Cette aponévrose peut être étirée, désinsérée, ou infiltrée par de la graisse.

o   Le ptôsis neurogène : paralysie de la troisième paire crânienne, ou du nerf sympathique

o   Le ptôsis myogéne : myopathies, myasthénie

o   Le ptôsis mécanique : par exemple une grosse tumeur qui pèse sur la paupière supérieure

 

·         Le traitement

-          Il est toujours chirurgical sauf de première intention pour la myasthénie.

-          Pour les ptôsis aponévrotiques une chirurgie de réinsertion / avancement sous anesthésie locale donne en général d’excellents résultats.

-          Pour les autres ptôsis le traitement dépendra de la « force » du muscle releveur. Il faudra raccourcir ce muscle de façon plus importante que  sa « force » sera faible. Si sa fonction élévatrice est quasi-nulle il faudra faire une suspension au muscle frontal c’est à dire faire passer une petite languette de la face antérieure du tarse jusqu’au muscle frontal. Cette suspension peut se faire à l’aide d’un matériel synthétique qui a l’avantage d’éviter un prélèvement tissulaire, mais qui a pour inconvénient une possible extrusion ultérieure. Le matériel de suspension peut être une autogreffe comme le tendon de fascia-lata prélevé au niveau de la cuisse ou l’aponévrose temporale qui nécessite un prélèvement tissulaire supplémentaire, mais qui a comme avantage de pouvoir être mieux tolérée.

 

Les tumeurs palpébrales

·         De la verrue séborrhéique parfaitement bénigne au carcinome malin (cancéreux) la variété des tumeurs palpébrales est très importante. Au moindre doute sur le potentiel malin d’une lésion palpébrale votre ophtalmologiste vous adressera à un spécialiste.

·         En général une biopsie simple est d’abord pratiquée surtout si une exérèse large avec reconstruction est ultérieurement envisagée.

·         Dans certains cas la tumeur est de première intention retirée en totalité soit que sa petite taille le permet sans difficulté soit que l’aspect typiquement malin impose d’emblée une exérèse complète.

·         Si la tumeur touche le bord libre de la paupière et est de petite taille une suture bord à bord pourra être réalisée. Si sa taille est plus importante une reconstruction par des lambeaux et/ou greffes sera pratiquée.

·         Toute la difficulté pour l’oculoplasticien résidera dans le triple impératif de retirer la tumeur dans sa totalité , de restaurer la statique et la dynamique palpébrale, et comme dans toute chirurgie palpébrale de restaurer la symétrie et de minimiser la disgrâce esthétique.

·         Dans certains cas la chirurgie peut être évitée :

Certaines tumeurs parfaitement bénignes peuvent  être vaporisées par le laser argon.

Certaines tumeurs malignes (carcinome baso-cellulaire par exemple) peuvent être traitées par radiothérapie seule ou après chirurgie en cas d’exérèse incomplète ou de récidive.

 

Rétraction palpébrale

 

·         La rétraction de la paupière supérieure

 

o   Elle  a pour cause principale la maladie de Basedow). La rétraction, lorsqu'elle réalise une séquelle de l'ophtalmopathie dysthyroïdienne nécessite alors une prise en charge chirurgicale, notamment si elle s'accompagne de problèmes cornéens, esthétiques, ou simplement d'inconfort oculaire.

o   La rétraction peut être isolée ou associée aux autres signes de l'orbitopathie dysthyroïdienne : exophtalmie, strabisme, anomalies qui seront traitées avant la correction de la rétraction palpébrale, enfin lipoptose palpébrale.

o   Le traitement chirurgical consistera en un recul plus ou moins important des muscles releveurs

 

 

·         La rétraction de la paupière inférieure

o   Elle peut être secondaire à un traumatisme, à un recul du muscle droit inférieur lors de la chirurgie du strabisme, à des interventions sur le plancher de l'orbite ou à la présence d'un gros oeil. Elle peut nécessiter un allongement de la lamelle postérieure, qui peut se faire soit par simple recul des rétracteurs de la paupière soit par interposition d’une greffe.

 

 

 

PATHOLOGIE DES CAVITES

 

·         Est inclue sous ce titre la restauration esthétique des patients ayant perdu un oeil.

·         En effet l’ophtalmologie a ses limites et certains patients ayant totalement perdu la perception de la lumière se retrouvent parfois dans des impasses thérapeutiques. Si de surcroît le  globe oculaire est douloureux et inesthétique l’ophtalmologiste est parfois amené à proposer l’amputation du globe sous la forme d’une éviscération ou d’une énucléation.

·         L’énucléation, c’est l’amputation complète du globe oculaire avec sa « coque » (la sclère) , l’éviscération c’est l ‘ablation du contenu de l’œil en gardant sa coque. S’il existe une tumeur intra-oculaire il faut réaliser une énucléation.

·         Pour restaurer la perte de volume le chirurgien mettra à la place de l’œil un implant sur lequel seront fixés les muscles oculomoteurs. Cet implant est indispensable pour restaurer la perte de volume inhérente à l’amputation du globe oculaire. Nous disposons maintenant d’excellents implants poreux colonisés par le tissu orbitaire, ce qui empêche leur expulsion. Néanmoins en cas d’énucléation il est nécessaire de les enrober avec un tissu synthétique ou une greffe ( aponévrose temporale, sclère autologue).

·         Le deuxième temps c’est la réalisation de la prothèse oculaire qui sera effectuée sur mesure par un oculariste. Une première prothèse provisoire permettant une réhabilitation sociale rapide (environ un mois après la chirurgie) sera suivie de la réalisation d’une prothèse définitive quelques mois après.

·         Si le globe oculaire non fonctionnel n’est pas douloureux la prothèse oculaire pourra être placée directement par dessus comme une grosse lentille sans réaliser d’énucléation ou d’éviscération. Cette prothèse s’appelle alors coque sclérale. Si cette coque sclérale est mal supportée on peut diminuer la sensibilité de surface en recouvrant la cornée par la conjonctive.

·         D’autres opérations chirurgicales peuvent être réalisées pour optimiser le résultat esthétique

o   Approfondissement des cul de sac conjonctivaux par des greffes de muqueuse buccale

o   Mise en place de matériel orbitaire pour diminuer le creux sus palpébral supérieur et l’enophtalmie

o   Greffes de graisse